Cadre légal et obligations
Le secret professionnel s’impose à tout-e médecin, mais des dérogations légales existent (article 226-14 du Code pénal). Le-a médecin peut signaler, sans l’accord de la victime :
des violences sur un-e mineur-e,
une personne majeure vulnérable (âge, maladie, handicap, grossesse…),
ou en cas de violences conjugales avec péril imminent (ex. : menace de mort).
Le signalement doit porter uniquement sur les faits constatés ou rapportés, et être fait en toute bonne foi. Le-a médecin est alors protégé-e sur les plans disciplinaire, civil et pénal.
Toute décision doit être guidée par l’intérêt du-de la patient-e. L’évaluation du péril imminent chez l’adulte reste complexe et repose sur l’analyse clinique, l’éthique et la responsabilité du médecin.
En cas de doute, il est possible de solliciter un avis (sans nommer la victime) auprès de :
l’unité médico-judiciaire,
le conseil de l’ordre départemental,
ou, pour les mineurs : l’UAPED, la CRIP ou le 119.
Chaque situation étant unique, la prudence et la réflexion pluridisciplinaire sont essentielles pour protéger au mieux la victime et, le cas échéant, ses enfants.
* article 4 du code de déontologie médicale: Secret professionnel (article R.4127-4 du CSP)
“Le secret professionnel, institué dans l’intérêt des patients, s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris.”
* article 226-13 du code pénal: De l’atteinte au secret professionnel
“La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.”
* article 226-14 du code pénal: Dérogations légales au secret professionnel
L’article 226-13 n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n’est pas applicable :
1° A celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ;
2° Au médecin ou à tout autre professionnel de santé qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République ou de la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l’être, mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles, les sévices ou privations qu’il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises. Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n’est pas nécessaire ;
3° Au médecin ou à tout autre professionnel de santé qui porte à la connaissance du procureur de la République une information relative à des violences exercées au sein du couple relevant de l’article 132-80 du présent code, lorsqu’il estime en conscience que ces violences mettent la vie de la victime majeure en danger immédiat et que celle-ci n’est pas en mesure de se protéger en raison de la contrainte morale résultant de l’emprise exercée par l’auteur des violences. Le médecin ou le professionnel de santé doit s’efforcer d’obtenir l’accord de la victime majeure ; en cas d’impossibilité d’obtenir cet accord, il doit l’informer du signalement fait au procureur de la République ;
4° Aux professionnels de la santé ou de l’action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le préfet de police du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu’elles détiennent une arme ou qu’elles ont manifesté leur intention d’en acquérir une.
Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s’il est établi qu’il n’a pas agi de bonne foi. »
* article 9 du code de déontologie médicale : Assistance à personne en danger (article R.4127-9 du CSP)
“Tout médecin qui se trouve en présence d’un malade ou d’un blessé en péril ou, informé qu’un malade ou un blessé est en péril, doit lui porter assistance ou s’assurer qu’il reçoit les soins nécessaires .”
* article 223-6 du code pénal : De l’entrave aux mesures d’assistance et de l’omission de porter secours
“Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours.”
* article 43 du code de déontologie médicale : Protection de l’enfance (article R. 4127-43 du code de la santé publique)
« Le médecin doit être le défenseur de l’enfant lorsqu’il estime que l’intérêt de sa santé est mal compris ou mal préservé par son entourage ».
* article R. 226-2-2 du code de l’action sociale et des familles : L’information préoccupante
« L’information préoccupante est une information transmise à la cellule départementale mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 226-3 pour alerter le président du conseil départemental sur la situation d’un mineur, bénéficiant ou non d’un accompagnement, pouvant laisser craindre que sa santé, sa sécurité ou sa moralité sont en danger ou en risque de l’être ou que les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ou en risque de l’être. La finalité de cette transmission est d’évaluer la situation d’un mineur et de déterminer les actions de protection et d’aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier ».
* article 44 du code de déontologie médicale : Sévices (article R.4127-44 du code de la santé publique)
“Lorsqu’un médecin discerne qu’une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection. Lorsqu’il s’agit d’un mineur ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, il alerte les autorités judiciaires ou administratives, sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience.”
* article 222-8 du code pénal : Personnes vulnérables
“… Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur…”
* article 434-3 du code pénal : Des entraves à la saisine de la justice
” Le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Sauf lorsque la loi en dispose autrement, sont exceptées des dispositions qui précèdent les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l’article 226-13.”
Documenter les violences via la rédaction d’un certificat médical
Le certificat médical, lorsqu’il est établi dans le contexte de violences (conjugales, sexuelles, familiales, etc.), est un document médico-légal à forte valeur probante. Il repose sur une description objective et une retranscription fidèle des mots de la victime, et se limite à rapporter :
les propos exprimés par la victime (sans les reformuler ou les interpréter),
les constatations cliniques du-de la soignant-e,
et le retentissement physique et psychique des violences subies.
Ce document constitue souvent le premier élément objectif sur lequel l’autorité judiciaire va s’appuyer pour évaluer l’opportunité des poursuites et orienter la procédure. Il s’agit donc d’un élément de preuve majeur.
⚠️ Important : le-a professionnel-le ne doit pas se prononcer sur la véracité des faits, qualifier les violences de “volontaires” ou “involontaires”, attribuer la responsabilité à un tiers ou propose une interprétation des évènements.
Contenu du certificat :
La rédaction se fait au présent, de façon claire, structurée et factuelle. Le certificat doit inclure :
Informations administratives : Identification du-de la médecin et de la victime ; mention d’un-e représentant-e légal-e ou d’un-e interprète, si présent-e
Relat des faits : Sous la forme : « Mme X déclare avoir été victime de… » ; Indiquer également date, lieu, circonstances, auteur-rice présumé-e si mentionné.
Doléances de la victime : Symptômes physiques et psychiques ; Ressenti émotionnel (peur, honte, etc.) ; Impact sur la vie quotidienne (sommeil, alimentation, isolement…)
Constatations médicales
Physiques : description des lésions, photos/schémas si nécessaire
Psychiques : comportement observé, signes évocateurs (troubles, détresse)
Soins effectués ou prescrits
Mentions finales : « Certificat établi à la demande de la victime et remis en main propre » ; Date, heure, lieu, signature manuscrite et cachet
Remise du certificat médical :
Une copie du certificat doit être conservée par le médecin.
La victime n’est pas tenue d’en emporter une copie.
Il ne doit jamais être remis à un tiers, sauf au représentant légal (s’il n’est pas mis en cause).
Cas de réquisition judiciaire :
Tout médecin est tenu de répondre à une réquisition judiciaire, sauf en cas de sentiment d’incompétence ou de conflit d’intérêts.
Le certificat est alors transmis au service requérant (gendarmerie, police, magistrat), selon les modalités prévues. Une copie peut être remise à la victime, après autorisation de l’autorité requérante.
Il est indispensable d’informer la victime du cadre légal dans lequel s’inscrit l’examen requis.
Toute personne victime de violences a le droit de :
porter plainte, à tout moment, ou déposer une main-courante ;
être protégée (ordonnances de protection, mise à l’abri, etc.) ;
accéder à des soins, un soutien psychologique et juridique ;
refuser ou différer une démarche judiciaire, sans que cela n’empêche un suivi.
Le rôle du-de la soignant-e est d’informer sans pression, et de respecter le rythme de la personne.
C’est une démarche judiciaire utilisée pour alerter les autorités lorsqu’une personne est en danger grave et immédiat, et qu’une protection rapide est nécessaire. Le document n’est pas destiné à la victime, et doit être transmis directement au Procureur de la République.
Pour qui les professionnel-les peuvent ou doivent-iels signaler ?
– Obligation de signalement pour les personnes mineures ou majeures vulnérable (personnes incapables de se protéger du fait de son âge, d’une maladie, d’un handicap, ou de troubles psychiques. Une femme enceinte est également vulnérable si l’auteur-rice des violences a connaissance de la grossesse.)
– Possibilité de signalement si danger imminent et emprise pour les personnes majeures non vulnérables.
⚠️ Le-a professionnel-le de santé doit s’efforcer d’obtenir l’accord de la victime majeure ; en cas d’impossibilité d’obtenir cet accord, il doit l’informer du signalement.
Le-a médecin peut légalement lever le secret médical et signaler sans l’accord de la victime si :
il y a danger immédiat, et
la victime est sous emprise (incapacité manifeste à se protéger seule).
Rédaction d’un signalement :
Le signalement doit être objectif, précis et circonstancié :
Décrire seulement les faits constatés médicalement
Mentionner les paroles de la victime entre guillemets
Ne pas désigner un tiers comme auteur (ni accuser)
📞 Appeler le tribunal judiciaire du lieu d’agression ou de résidence pour obtenir l’adresse mail dédiée puis envoyer le signalement par mail sécurisé (rapide et tracé).
🗓️ Si appel téléphonique d’urgence au procureur de la république, l’envoi devra être confirmé ensuite par écrit daté et signé.
Prise en compte du signalement :
Un accusé de réception est envoyé au-à la professionnel-le
Le Procureur saisit une association d’aide aux victimes agréée pour une prise en charge rapide
L’association informe le procureur de la suite (prise de contact, refus, actions)
Une enquête est ouverte
Des mesures de protection peuvent être décidées :
Ordonnance de protection
Téléphone Grave Danger (TGD)
Bracelet anti-rapprochement (BAR)
Le-a professionnel-le de santé est informé-e de l’orientation de la procédure
Il est fortement recommandé de discuter de la situation en équipe (pluridisciplinaire) avant de signaler, tout en respectant l’anonymat de la victime.
Il est possible d’accompagner la victime dans sa démarche de dépôt de plainte ou de l’aider à s’y préparer :
expliquer qu’elle peut se rendre seule, avec un proche ou un-e professionnel-le ;
lui conseiller de garder tous les éléments de preuve (certificats, SMS, photos, témoignages) ;
préciser qu’elle peut déposer une main courante ou une plainte, selon la situation ;
Différents lieux permettent le dépôt de plainte à Pantin et dans les communes limitrophes :
📞01 48 43 45 49
📞01 41 83 45 00
📞01 48 02 65 06
Délais de prescription
Certaines victimes souhaitent déposer plainte immédiatement, d’autres plus tard. Même si les faits sont anciens, un signalement ou un dépôt de plainte reste possible. Il est utile de rappeler les délais de prescription (s’appliquent pour les victimes adultes au moment des faits) :
6 ans pour les délits (violences physiques et psychologiques, agressions) ;
20 ans si les violences ont entrainé une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours (ou si elles sont qualifiées de crimes)
20 ou 30 ans si elles s’accompagnent d’autres infractions (viol, torture, etc.).
20 ans pour les crimes (viols, mutilations) ; 30 ans si la victime est mineure au moment des faits.
Agir pour la santé des populations
Ensemble, contribuer à la continuité des parcours de santé, de soins et de vie